« L’homophobie fait partie du développement psychosexuel des adolescents. Elle est plus moins étendue dans le temps, plus ou moins intense pour les uns que pour les autres, mais elle est incontournable », explique Murielle Turchi, psychologue clinicienne membre actif de l’association SOS homophobie.
« L’homophobie apparaît avec la puberté, atteint un pic vers 15-16 ans et peut durer jusqu’à 18 ans. Elle est nettement plus marquée chez les garçons que chez les filles pour qui, généralement, il est plus facile d’accepter une image de garçon manqué qu’un jeune homme d’assumer sa part de féminité ».
Pour la psychologue, le simple fait d’avoir conscience de ce « passage obligé » peut aider un enseignant à ne pas ressentir de colère face à un jeune qui exprime son rejet de l’homosexualité et à y répondre sereinement. « Mais attention », insiste t-elle, « il ne s’agit pas pour autant de tolérer des attitudes homophobes à l’encontre de quiconque ! »
La possibilité d’une homosexualité
Si, selon Murielle Turchi, les enseignants ont davantage « à savoir qu’à faire », elle souligne toutefois l’importance, pour les adolescents, d’être rassurés sur leurs angoisses par les adultes et notamment par les éducateurs.
« Il n’y pas lieu, pour un enseignant, de faire des séances entières sur le sujet (sauf dans le cadre très précis des cours de sciences), mais simplement d’entrevoir la possibilité d’une homosexualité, de façon naturelle, dans le discours quotidien.
Dire à une jeune fille : ‘quand tu seras amoureuse’ au lieu de ‘quand tu auras trouvé l’homme de ta vie’ ; présenter toutes les configurations parentales plutôt que le seul schéma un père une mère… Il suffit de faire figurer les diverses représentations, avec simplicité, pour les rendre envisageables.
Et c’est là, je crois, la meilleure aide que les enseignants puissent apporter à leurs élèves sans risquer d’être ridicule à leurs yeux, et de provoquer le rire ce qui irait à l’encontre des effets voulus ».
Des interventions ponctuelles
Hélas, les actes homophobes (2) en collèges et en lycées ne sont pas une vue de l’esprit (3). Michel Rey (4), enseignant à la retraite et référent de la commission Intervention en Milieu Scolaire de l’association SOS homophobie, organise depuis quatre ans des actions de prévention dans les établissements (5) pour permettre notamment aux victimes de se débarrasser de leur peur, leur honte, leur culpabilité et de savoir la loi de leur côté.
« Nos interventions suivent une charte très précise. Après avoir fait un point sur les différentes formes de discriminations et précisé les définitions d’usage, nous projetons des témoignages vidéo de victimes qui ont osé se plaindre. Puis les élèves réagissent, par l’intermédiaire de questions et de remarques rédigées de manière anonyme sur des petits papiers.
Nous y répondons, sans jamais chercher à polémiquer ni à nous mettre en avant. Nous acceptons de voir des adolescents choqués, gênés… Le but est de balayer les stéréotypes et de les démonter dans une démarche générale de lutte contre les discriminations et de promotion à la citoyenneté ».
Ces interventions sont rendues possibles par la multiplication des agréments délivrés par les rectorats. Par ailleurs, l’association assure un service téléphonique d’écoute et d’assistance (6). Ce service, complémentaire à la Ligne Azur (7) mise en place par le Comité français d’éducation pour la santé, est spécialement dédié aux jeunes se posant des questions sur leur orientation sexuelle. Il fait actuellement l’objet d’une campagne d’affichage dans les établissements scolaires.
Marie-Laure Maisonneuve, site VousNousIls
(1) Telles qu’elles ont été publiées au Bulletin officiel.
(2) Insultes, bousculades, brimades, coups et blessures
(3) Voir les résultats de l’enquête sur l’homophobie en milieu scolaire réalisée par SOS homophobie.
(4) Également membre d’un groupe de réflexion au sein de la HALDE
(5) Collèges et lycées, publics et privés, de la classe de 4e à la terminale
(6) À l’attention des jeunes et des adultes : 0 810 10 81 35
(7) 0 801 20 30 40