« Droit d’accueil » : anti-grève mais aussi désengagement de l’Etat pour les remplacements

mercredi 10 septembre 2008


Une circulaire du 26-8-2008, qui vise à l’application de la loi n° 2008-790 du 20 août 2008, institue un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.

Malgré l’hostilité des syndicats enseignants, des parlementaires de gauche et des administrations locales, ce « Service Minimum d’Accueil des élèves dans les écoles primaires » entre en application à la rentrée.

Ces textes vont bien plus loin qu’une simple obligation de service minimum en cas de grève en 1e degré, puisqu’ils préfigurent ni plus ni moins de faire basculer à terme la charge des remplacements aux mairies.

 Les intentions du gouvernement en matière de remplacement

La loi stipule : « en raison de l’absence imprévisible de son professeur et de l’impossibilité de le remplacer. Il en est de même en cas de grève … ».
Définition on ne peut plus extensive.

Et aucune obligation de compétence pédagogique pour ces remplaçants, ils doivent juste avoir « les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants. »
Ce qui est confirmé par les références juridiques : « Les dispositions du code de l’action sociale et des familles n’imposent en effet, pour les modes d’accueil des mineurs n’excédant pas 14 jours par an, aucune obligation en termes de qualification des personnels ou de taux d’encadrement ».

Par ailleurs, le gouvernement prévoit à la rentrée 2009 la suppression de 3.000 postes de titulaires – remplaçants dans le public, alors même que ceux-ci remplissent leur fonction de façon tout à fait efficace, et qu’ils permettent ainsi d’avoir un taux de précaires très faible : seulement 0,1% contre 6,9% dans le privé.

Ces remplacements sont assurés dans le privé par les suppléants, sous payés (bloqués à l’indice 291, à 3 points du SMIC bien qu’on exige d’eux les mêmes diplômes).

Est-ce le dispositif qui est envisagé pour le public, ou mieux encore pour le gouvernement, veut-il transférer l’intégralité de la charge aux communes, avec des personnels recrutés par elles sans aucune compétence pédagogique ?

La loi le laisse envisager, la circulaire ne l’aborde pas.

 Et le privé ?

D’après la circulaire :
"Dans les écoles maternelles et élémentaires privées sous contrat, le service d’accueil est assuré par les organismes gestionnaires et n’implique en aucune façon les communes. Les organismes de gestion assurent l’accueil en cas d’absence des enseignants et ce quelle que soit la cause de cette absence. La loi leur confère une totale liberté d’organisation à cet effet.

Par analogie avec le cas du service d’accueil organisé au profit des élèves des écoles publiques, elle prévoit toutefois qu’à partir d’un taux effectif de grévistes de 25 %, l’État contribue au financement du service d’accueil en versant à l’organisme de gestion une compensation calculée selon les mêmes règles que celles accordées aux communes.

Les personnels exerçant des fonctions d’enseignement dans une école privée sont soumis à la même obligation de déclaration individuelle préalable que leurs homologues exerçant dans une école publique. La déclaration est toutefois directement adressée au chef d’établissement qui informe l’organisme de gestion du nombre des personnes s’étant déclarées grévistes."

On le voit, une fois de plus le privé obtient le beurre et l’argent du beurre, à savoir les subventions publiques en cas d’absence (pas uniquement pour fait de grève) et le droit de les utiliser sans aucun contrôle extérieur.

Alors que dans le public ce sont les mairies qui sont chargées de leur utilisation, donc dans le cadre du double contrôle habituel : par la Chambre Régionale des Comptes … et par le contrôle démocratique (réunions du conseil municipal publiques, documents publiés et élections).

Les sommes en jeu sont importantes (voir Modalités de financement).

Par contre les maîtres sont bien soumis aux mêmes obligations que ceux du public, mais sans diffusion du nombre de grévistes à l’extérieur de l’établissement !

 L’indemnisation de la commune ... ou de l’OGEC en cas de grève

Selon le décret du 4 septembre 2008, le montant de la compensation financière est déterminé selon les modalités suivantes :
 son montant est égal à 110 euros par jour et par groupe de 15 élèves de l’école accueillis,
 le nombre de groupes est déterminé en divisant le nombre d’élèves accueillis par 15, le résultat étant arrondi à l’entier supérieur,
 pour chaque journée de mise en œuvre du service d’accueil, la compensation ne peut être inférieure à un montant égal à 9 fois le salaire minimum de croissance horaire (soit environ 78 euros) multiplié par le nombre d’enseignant de l’école ayant effectivement participé au mouvement de grève.
 la compensation financière ne peut être inférieure à 200 euros par jour,
 ces montants étant indexés sur la valeur du point indiciaire de la fonction publique, ils seront revalorisés automatiquement en cas d’augmentation de la valeur de point indiciaire.

A l’origine, la compensation devait être de 90 euros par tranche de 15 enfants, ce qui correspondait à la retenue sur salaire moyenne d’un professeur des écoles en grève pour une journée.

 La limitation du droit de grève par la déclaration préalable

1- Un préavis de grève concernant les personnels enseignants des écoles privées sous contrat doit être déposé trois jours avant par les organisations syndicales (article 12) ;

2- Dans le cas où « le préavis de grève a été déposé dans les conditions prévues, toute personne exerçant des fonctions d’enseignement dans une école maternelle ou élémentaire déclare à l’autorité administrative, au moins 48 heures à l’avance, comprenant un jour ouvré, avant de participer à la grève, son intention d’y prendre part. »

Ex : pour un mouvement de grève fixé au
 mardi : le maître doit se déclarer au plus tard le vendredi soir de la semaine précédente.
 jeudi : il doit se déclarer au plus tard le lundi soir.

3- « Les enseignants des établissements privés sont soumis à la même obligation de déclaration que leurs homologues du public. La déclaration est directement adressée au chef d’établissement qui communique sans délai à l’OGEC de l’école le nombre de personnes ayant fait cette déclaration ».
Les déclarations sont couvertes par le secret professionnel et ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service d’accueil.

Il va de soi que, pour éviter les « grèves secrètes » (non déclaration des grévistes pour ne « pas faire tâche »), le SUNDEP assurera la déclaration des grévistes qui veulent le faire savoir aux inspections académiques !